Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Demandez au prieur de vous en faire goûter, lorsque, en sortant d’ici, vous irez déjeuner avec lui. Au surplus, vous pouvez vous assurer à l’instant de la vérité de ce que je vous dis. » Et il me présenta la burette pour me faire boire. Je résistai fortement, non-seulement à cause de ce que je trouvai d’indécent dans cette invitation jetée au milieu de la messe, mais encore parce que, je dois l’avouer, je conçus un moment la pensée que les moines voulaient, en m’empoisonnant, se venger sur moi de l’avanie que M. Biot leur avait faite. Je reconnus que je m’étais trompé, que mes soupçons n’avaient aucun fondement ; car le père Trivulce reprit la messe interrompue, but, et but largement le vin blanc renfermé dans une des burettes. Quoi qu’il en soit, lorsque je fus sorti des mains des deux moines, et que je pus respirer l’air pur de la campagne, j’éprouvai une vive satisfaction.


XVIII.


Le droit d’asile accordé à quelques églises était un des plus hideux privilèges parmi ceux dont la révolution de 89 débarrassa la France. En 1807, ce droit existait encore en Espagne, et appartenait, je crois, à toutes les cathédrales. J’appris, pendant mon séjour à Barcelone, qu’il y avait, dans un petit cloître attenant à la plus grande église de cette ville, un voleur de grand chemin, un homme coupable de plusieurs assassinats, qui y vivait tranquillement, garanti contre toute poursuite par la sainteté du lieu. Je voulus m’assurer par mes yeux de la réalité du fait, et je me rendis avec mon ami Rodriguez