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sateurs. Sa polémique, cette fois, fut vive, poignante, incisive ; on vit à chaque ligne qu’elle partait d’un cœur ulcéré. Toutefois la plus légitime irritation n’entraîna point notre confrère au delà du cercle que ses ennemis lui avaient tracé. Sa défense, dans quelques parties, pouvait bien ressembler à une attaque ; mais au fond, en y regardant de près, c’était encore de la défense. Carnot rejeta loin de lui la pensée de se créer un piédestal avec les immortels trophées qu’il avait moissonnés durant sa carrière conventionnelle ou directoriale. La modestie est de bon aloi, Messieurs, quand elle triomphe ainsi de la colère.

En matière de sciences, la réserve de l’illustre académicien n’était pas moindre. On eût dit, en vérité, qu’il réglait sa conduite sur cette réflexion du plus ancien, du plus ingénieux de vos interprètes : « Quand un savant parle pour instruire les autres et dans la mesure exacte de l’instruction qu’ils veulent acquérir, il fait une grâce ; s’il ne parle que pour étaler son savoir, on fait une grâce en l’écoutant. »

La modestie au surplus n’est une qualité digne d’estime et de respect que chez les individus isolés. Les corps, les académies surtout feraient une faute et manqueraient à leur premier devoir, si elles négligeaient de se parer devant le public des titres légitimes qu’elles ont à l’estime, à la reconnaissance, à l’admiration du monde. Plus elles sont justement célèbres, plus le désir de leur appartenir est vif, et plus les laborieux efforts qu’on fait pour atteindre le but tournent à l’avantage de la science, à la gloire de l’esprit humain. Cette pensée m’a encouragé,