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un peu, prouva combien il avait apprécié la délicate sévérité de Carnot, et combien il en était digne, en publiant le soir même ces détails que Plutarque n’eût certainement pas dédaignés.

De toutes les qualités dont les grands hommes peuvent se parer, la modestie semble être la moins obligatoire ; aussi leur en tient-on le plus grand compte ; aussi laisse-t-elle des souvenirs durables. Qui, par exemple, ne sait par cœur cette lettre que Turenne écrivit à sa femme, il y a cent soixante-dix-neuf ans, le jour de la célèbre bataille des Dunes : « Les ennemis sont venus à nous ; ils ont été battus ; Dieu en soit loué. J’ai un peu fatigué dans la journée ; je vous donne le bonsoir, et je vais me coucher. »

Carnot ne s’oubliait pas moins que l’illustre général de Louis XIV, non-seulement dans ses relations intimes, mais encore quand il écrivait à la Convention. Je vous ai dit la part qu’il eut à la bataille de Wattignies ; eh bien, lisez le bulletin que lui inspira cet événement mémorable, décisif, et vous y chercherez en vain quelques mots qui rappellent les représentants du peuple ; à moins toutefois qu’on ne soit décidé à les voir dans ce passage : « Les républicains chargèrent la baïonnette en avant et demeurèrent victorieux ! »

Vous tous, au reste, qui avez connu Carnot, dites avec moi si jamais, sans une sollicitation directe, pressante, il consentit à vous entretenir des événements européens qu’il avait tant de fois dirigés. Justement jaloux de l’estime de la France, l’ancien directeur, pendant qu’il était exilé, répondit par écrit aux diatribes de ses accu-