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le Xucar arrose. À mon retour, je trouvai le combat engagé entre eux et les autorités de Cullera. Il y eut des blessés des deux parts, et si je me le rappelle bien, un alguazil resta même sur le carreau.

Le lendemain matin, je regagnai ma station. La nuit suivante fut horrible ; il tombait une pluie diluvienne. Vers minuit, on frappa à la porte de ma cabane. Sur la question : « Qui va là ? on répondit : Un garde de la douane, qui vous demande un refuge pour quelques heures. » Mon domestique ayant ouvert, je vis entrer un homme magnifique, armé jusqu’aux dents. Il se coucha par terre et s’endormit. Le matin, pendant que je causais avec lui, à la porte de ma cabane, ses yeux s’animèrent en voyant sur le penchant de la montagne deux personnes, l’alcade de Cullera et son principal alguazil, qui venaient me rendre visite. « Monsieur, s’écria-t-il, il ne faut rien moins que la reconnaissance que je vous dois, à raison du service que vous m’avez rendu cette nuit, pour que je ne saisisse pas cette occasion de me débarrasser, par un coup de carabine, de mon plus cruel ennemi. Adieu, Monsieur ! » Et il partit, léger comme une gazelle, sautant de rocher en rocher.

Arrivés à la cabane, l’alcade et son alguazil reconnurent dans le fugitif le chef de tous les voleurs de grands chemins de la contrée.

Quelques jours après, le temps étant redevenu très-mauvais, je reçus une seconde visite du prétendu garde de la douane, qui s’endormit profondément dans ma cabane. Je vis que mon domestique, vieux militaire, qui avait entendu le récit des faits et gestes de cet homme,