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de certaines commodités qui rendent la vie plus douce et dont on jouit librement dans le plus obscur village.

Au reste, ce n’est pas de ma bouche que sortiront jamais de rudes paroles de blâme contre des préoccupations, si même préoccupations il y a, qui seraient inspirées par le plus noble des sentiments, par l’amour de l’indépendance nationale ; en toutes choses cependant il faut une certaine mesure ; l’économie poussée à l’extrême, n’est-ce pas la hideuse avarice ? La fierté ne dégénère-t-elle point en orgueil ; la politesse en afféterie ; la franchise en rudesse ? C’est en pesant dans une balance exacte le bien et le mal attachés à toutes les créations humaines, qu’on se maintient dans la route de la vraie sagesse ; c’est ainsi que malgré l’empire de l’exemple et de l’habitude, que malgré l’influence, ordinairement si puissante de l’uniforme, l’officier du génie Carnot étudia toujours les graves problèmes de fortification.

En 1788, des militaires français, enthousiastes jusqu’au délire des campagnes du grand Frédéric, proclament hautement la parfaite inutilité des places fortes. Le gouvernement paraît souscrire à cette étrange opinion ; il n’ordonne pas encore la démolition de tant d’antiques et glorieuses murailles ; mais il les laisse tomber d’elles-mêmes. Carnot résiste à l’entraînement général, et fait remettre à M. de Brienne, ministre de la guerre, un Mémoire où la question est examinée sous toutes ses faces avec une hardiesse de pensée, avec une ardeur de patriotisme, d’autant plus dignes de remarque que les exemples en étaient alors devenus fort rares. Il montre que dans une guerre défensive, la seule qu’il conseille, la seule