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se présentèrent devant la mule et la saisirent par les naseaux. À l’instant, un cri formidable, qui ne s’effacera jamais de mon souvenir, le cri de capitana ! fut poussé par Isidro. La mule se cabra presque verticalement, en soulevant l’un des deux hommes, retomba et partit au grand galop. Le cahot qu’éprouva la voiture nous fit trop bien comprendre ce qui venait d’arriver. Un long silence succéda à cet événement ; il ne fut interrompu que par ces mots du calezero : « Ne trouvez-vous pas, Messieurs, que ma mule vaut mieux que des pistolets ? »

Le lendemain, le capitaine général, don Domingo Izquierdo me raconta qu’on avait trouvé un homme écrasé sur la route de Murviedro. Je lui rendis compte de la prouesse de la mule d’Isidro, et tout fut dit.


XIII.


Une anecdote prise entre mille, et l’on verra quelle vie aventureuse menait le délégué du Bureau des longitudes.

Pendant mon séjour sur une montagne voisine de Cullera, au nord de l’embouchure du rio Xucar, et au sud de l’Albuféra, je conçus, un moment, le projet d’établir une station sur les montagnes élevées qui se voient en face. J’allai la visiter. L’alcade d’un des villages voisins m’avertit du danger auquel j’allais m’exposer. Ces montagnes, me dit-il, servent de repaire à une foule de voleurs de grand chemin. Je requis la garde nationale, comme j’en avais le pouvoir. Mon escorte fut prise par les voleurs pour une expédition dirigée contre eux, et ils se répandirent aussitôt dans la riche plaine que