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devenir funeste à ceux-là même qui l’ont employé à leur profit.

J’aurais vivement désiré, Messieurs, pouvoir pénétrer plus avant dans l’examen du rôle que joua Carnot à cette époque critique de notre révolution ; je n’ai rien négligé pour soulever quelque coin du voile dont reste encore couvert un événement qui exerça tant d’influence sur la destinée de notre confrère et sur celle du pays : mes efforts, je l’avoue, ont été infructueux. Les documents ne manquent pas, mais ils émanent presque tous d’écrivains trop intéressés soit à excuser, soit à flétrir le 18 fructidor, pour n’être pas suspects. Les récriminations pleines d’âcreté, de violence, auxquelles d’anciens collègues se livrèrent alors les uns contre les autres, m’ont rappelé cette célèbre et si sage déclaration de Montesquieu : « N’écoutez ni le père Tournemine, ni moi, parlant l’un de l’autre ; car nous avons cessé d’être amis. » Les antécédents, les opinions, le caractère, les démarches connues et avouées des divers personnages qui firent ce coup d’État ou en devinrent les victimes, n’auraient guère été un guide plus fidèle. J’aurais vu Hoche marcher un moment contre son protecteur constant et zélé, contre celui qui lui avait sauvé la vie sous le régime de Robespierre, et qui transformait, en 1793, les galons du jeune sergent d’infanterie en épaulettes de général en chef ; j’eusse trouvé Bonaparte contribuant, par son délégué Augereau, au renversement et à la proscription du seul directeur avec lequel il eut conservé des relations intimes pendant la campagne d’Italie ; je l’aurais vu, à son passage à Genève, faire arrêter le banquier