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même de la géométrie élémentaire, un infiniment petit, et, ce qui est encore plus incompréhensible, un infiniment petit susceptible d’être fractionné tant qu’on veut ! L’intelligence humaine était humiliée, abîmée devant de pareils résultats ; mais enfin c’étaient des résultats, et elle se soumettait.

Les infiniment petits que Leibnitz introduisit dans son calcul différentiel excitèrent plus de scrupules. Ce grand géomètre en distinguait de plusieurs ordres : ceux du second était négligeables à côté des infiniment petits du premier ; à leur tour, les infiniment petits du premier ordre disparaissaient devant les quantités finies. À chaque transformation des formules, on pouvait, d’après cette hiérarchie, se débarrasser de nouvelles quantités ; et cependant il fallait croire, il fallait admettre que les résultats définitifs avaient une exactitude rigoureuse ; que le calcul infinitésimal n’était pas une simple méthode d’approximation. Telle fut, tout bien considéré, l’origine de l’opposition vive et tenace que le nouveau calcul souleva à sa naissance ; telle était aussi la difficulté qu’un homme également célèbre comme géomètre et comme théologien, que l’évêque de Cloyne, Berkeley, avait en vue, lorsqu’il criait aux incrédules en matière de religion : « Voyez les mathématiques : n’admettent-elles pas des mystères plus incompréhensibles que ceux de la foi ? »

Ces mystères n’existent plus aujourd’hui pour ceux qui veulent s’initier à la connaissance des méthodes dont se compose le calcul différentiel dans la théorie des fluxions de Newton, dans un Mémoire où d’Alembert met en usage la considération des limites vers lesquelles convergent les