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Convention nationale par quatorze départements. Si l’expression d’un sentiment personnel m’était permise ici, je dirais combien j’ai été heureux de trouver le nom du département des Pyrénées-Orientales dans la liste de ceux qui essayèrent de dédommager notre grand citoyen des outrages dont une poignée de représentants, excités par le boucher Legendre, l’abreuvèrent à plusieurs reprises. Peu de temps après son entrée au conseil des Anciens, Carnot, sur le refus de Sieyès, devint l’un des cinq membres du Directoire exécutif.

Au moment où, pour la seconde fois, Carnot fut ainsi appelé à diriger nos armées, la République se trouvait sur le bord d’un abîme. Le trésor public était vide. Le Directoire se procura à grand’peine des garçons de bureau et des domestiques, tant on le croyait insolvable. Il fallait souvent ajourner le départ d’un courrier extraordinaire, à cause de l’impossibilité de pourvoir aux frais de son voyage ; les généraux eux-mêmes ne recevaient plus les huit francs (je ne me trompe pas), les huit francs en numéraire par mois qui leur avaient été accordés comme supplément de la solde en assignats ; les agriculteurs n’approvisionnaient plus les marchés ; les manufacturiers refusaient de vendre leurs produits, parce qu’on aurait eu le droit de les payer en papier-monnaie, et que le papier-monnaie était alors sans valeur. D’une extrémité de la France à l’autre, la famine avait jeté le peuple dans une irritation extrême qui, chaque jour, se manifestait par de sanglants désordres. L’armée n’offrait guère un aspect moins déplorable : elle manquait de moyens de transport, de vêtements, de souliers, de munitions. La misère avait