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nations. Le général Jourdan hésite devant une aussi terrible responsabilité. Carnot se rend à l’armée : en quelques heures tout est convenu, tout est disposé ; les troupes s’ébranlent ; elles fondent sur les ennemis ; mais ils sont si nombreux, ils occupent une position si bien choisie, ils ont creusé tant de retranchements, ils les ont garnis d’une artillerie tellement formidable, que le succès est incertain. À la fin de la journée, notre aile droite a gagné quelque terrain ; mais l’aile gauche en a peut-être perdu davantage. D’ailleurs elle a laissé quelques canons dans les mains des Autrichiens. Renforçons l’aile gauche ! s’écrient les vieux tacticiens. Non ! non ! réplique Carnot ; qu’importe le côté par lequel nous triompherons ? Il faut bien, bon gré, mal gré, céder à l’autorité sans limites du représentant du peuple. La nuit est employée à dégarnir l’aile déjà compromise ; ses principales troupes se portent sur la droite, et quand le soleil se lève, c’est en quelque sorte une autre armée que Cobourg trouve devant lui. La bataille recommence avec une nouvelle fureur. Enfermés dans leurs redoutes, protégés par des bois, par des taillis, par des haies vives, les Autrichiens résistent vaillamment ; une de nos colonnes d’attaque est repoussée et commence à se débander. Ah ! qui pourrait dépeindre les cruelles angoisses de Carnot ; sans doute son imagination lui représente déjà l’ennemi pénétrant dans la capitale, défilant sur nos boulevards et se livrant aux actes de vandalisme dont tant de proclamations, tant d’insolents manifestes nous avaient menacés ! Ces déchirantes pensées, en tout cas, n’abattent pas son courage ; Carnot rallie les soldats, les reforme sur un pla-