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voir toute l’étendue des sacrifices que s’imposèrent nos pères pour sauver le pays ?

Au premier rang de ces sacrifices, je n’ai pas hésité, vous vous le rappellerez, Messieurs, à placer l’obligation où se trouvait notre confrère de signer aveuglément une foule d’actes de ses collègues. J’ai expliqué comment cette nécessité s’était manifestée ; eh bien, on en abusa jusqu’à faire signer à Carnot, une fois, l’arrestation de son propre secrétaire ; une autre fois, celle du restaurateur chez lequel il prenait ses repas. Le mot infernal me paraît encore trop faible quand il faut caractériser de tels actes ; et cependant, pour l’honneur de notre confrère, nous devons presque nous féliciter qu’ils aient eu lieu, car ils sont la preuve irrécusable, parlante, de l’arrangement écrit qui, dans le comité, fut convenu au nom du salut du pays.

J’avais lu, même dans des ouvrages royalistes, j’avais lu dans des écrits publiés par des républicains que Carnot avait sauvé, au comité de salut public, plus de personnes que ses collègues n’en ont immolé. Carnot ne s’absentait donc des séances qu’aux époques où les affaires militaires absorbaient tous ses moments ; Carnot assistait donc quelquefois aux délibérations du comité, et alors l’innocence y comptait un avocat plein d’âme et de fermeté. Le hasard, il y a peu de jours, m’a fait découvrir que le rôle de défenseur officieux n’était pas le seul que Carnot s’y fût donné.

Il y a parmi vous, Messieurs, un vénérable académicien également versé dans les théories mathématiques et dans leurs applications ; il a glorieusement attaché son