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venait me frapper, et dont je devais subir les conséquences, quelque graves qu’elles pussent être.

Je comptais beaucoup sur les sollicitations de la mère de Brissot, déjà si cruellement éprouvée pendant la révolution ; je me rendis chez elle, rue de Condé, et la priai à mains jointes de se réunir à moi pour empêcher son fils de donner suite à sa résolution sanguinaire. « Eh ! Monsieur, me répondit cette femme, d’ailleurs modèle de douceur, si Sylvain (c’était le nom de l’ancien élève de l’École) croit qu’il accomplit un devoir patriotique, je n’ai ni l’intention, ni le désir de le détourner de ce projet. »

C’était en moi-même que je devais désormais puiser toutes mes ressources. J’avais remarqué que Brissot s’adonnait à la composition de romans et de pièces de vers. Je caressai cette passion, et tous les dimanches, surtout quand je savais qu’il devait y avoir une revue, j’allais le chercher, et l’entraînais à la campagne dans les environs de Paris. J’écoutais alors complaisamment la lecture des chapitres de ses romans qu’il avait composés dans la semaine.

Les premières courses m’effrayèrent un peu, car, armé de ses pistolets, Brissot saisissait toutes les occasions de montrer sa grande habileté ; et je réfléchissais que cette circonstance me ferait considérer comme son complice, si jamais il réalisait son projet. Enfin, sa prétention à la gloire littéraire, que je flattai de mon mieux, les espérances que je lui fis concevoir sur la réussite d’une passion amoureuse dont il m’avait confié le secret, et à laquelle je ne croyais nullement, lui firent recevoir