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anéantis, vaincus, ou seulement apaisés par des mesures brusques, violentes, par de véritables coups d’État. Je demandais alors à notre confrère comment, seul entre tous, il avait constamment espéré d’arriver au but sans secousses, et sans porter atteinte aux lois ; sa réponse, toujours la même, s’était profondément gravée dans ma mémoire ; mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque, sortant un jour du cercle d’études qu’un jeune astronome doit toujours s’imposer, je retrouvai textuellement la réponse constante dont il vient d’être question dans l’énoncé d’un théorème de mécanique ; lorsque je vis que notre confrère m’avait toujours entretenu de l’organisation politique de la société, précisément comme dans son ouvrage il parle d’une machine où des changements brusques entraînent nécessairement de grandes déperditions de force, et tôt ou tard amènent la dislocation complète du système !

Serait-il donc vrai Messieurs, que dans notre humaine faiblesse les esprits les plus élevés fussent si peu convaincus de la bonté, de la sagesse des déterminations que le cœur leur inspire, qu’ils eussent besoin de les confirmer, de les corroborer par des assimilations plus ou moins forcées ?

Ce doute ne vous étonnera pas si j’ajoute que, dans toutes les occasions difficiles, un des savants dont les travaux ont le plus illustré cette Académie se réglait, à l’en croire, sur cette maxime assurément très-commode : « L’eau prend exactement la forme du vase qui la contient ; un esprit sage doit, avec la même fidélité, se modeler sur les circonstances du moment. »