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vingt, les individualités s’effacent, disparaissent ou se couvrent d’un masque de convention. L’agronome se garde bien d’aller dans une serre chaude, quand il veut connaître la taille, la forme, le port de ces admirables plantes qui sont l’ornement des forêts séculaires. Ce n’est pas non plus dans nos régiments qu’on pourrait espérer de retrouver les vrais types des paysans bretons, normands, lorrains ou francs-comtois. Nos écoles-régiments (qu’on me passe l’expression) ne dérouteraient pas moins les moralistes. Là, il s’établit une sorte de moyenne autour de laquelle, avec de très-légers écarts, toute la jeunesse va aujourd’hui se grouper. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Dieu me garde d’aborder ici une semblable question ; je dis seulement que c’est un fait, et ce fait expliquera pourquoi j’ai recueilli diverses particularités de l’enfance de notre confrère qui, sans cela, auraient pu sembler trop minutieuses.

Carnot n’avait encore que dix ans lorsque sa mère, dans un voyage à Dijon, l’emmena avec elle et, pour le récompenser de la docilité réfléchie qu’il montrait en toute circonstance, le conduisit au spectacle. On donnait ce jour-là une pièce où des évolutions de troupes, où des combats se succédaient sans relâche. L’écolier suivait, avec une attention soutenue, la série d’événements qui se déroulaient devant lui ; mais tout à coup il se lève, il s’agite et, malgré les efforts de sa mère, il interpelle, en termes à peine polis, un personnage qui venait d’entrer en scène. Ce personnage était le général des troupes auxquelles le jeune Carnot s’intéressait ; par ses cris, l’enfant avertissait le chef inhabile que l’artillerie était