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les qualités d’un document officiel. Quant à l’incident que j’ai rappelé, il n’en était fait aucune mention ; concession misérable aux opinions dominantes, à des susceptibilités d’état-major ! Le maître du monde, pour me servir de l’expression de Pline, cédant un moment à sa pensée intime, n’en avait pas moins incliné ses faisceaux devant le titre littéraire qu’une académie lui décernait.

Ces réflexions sur le mérite comparatif des hommes d’étude et des hommes d’épée, quoiqu’elles m’aient été principalement suggérées par ce qui se dit, par ce qui se passe sous nos yeux, ne seraient pas sans application dans la patrie de Watt. Je parcourais naguère l’Angleterre et l’Écosse. La bienveillance dont j’étais l’objet, autorisait de ma part jusqu’à ces questions sèches, incisives, directes, que, dans toute autre circonstance, aurait pu seulement se permettre un président de commission d’enquête. Déjà vivement préoccupé de l’obligation où je serais à mon retour, de porter un jugement sur l’illustre mécanicien ; déjà fort inquiet de tout ce qu’a de solennel la réunion devant laquelle je parle, j’avais préparé cette demande : « Que pensez-vous de l’influence que Watt a exercée sur la richesse, sur la puissance, sur la prospérité de l’Angleterre ? » Je n’exagère pas en disant que j’ai adressé ma question à plus de cent personnes appartenant à toutes les classes de la société, à toutes les nuances d’opinions politiques, depuis les radicaux les plus vifs jusqu’aux conservateurs les plus obstinés. La réponse a été constamment la même : chacun plaçait les services de notre confrère au-dessus de toute comparaison ; chacun, au surplus, me citait les discours prononcés dans le meeting