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posé M. Legendre en ma faveur. Je le reconnus aussitôt ; car, m’ayant fait une question qui exigeait l’emploi d’intégrales doubles, il m’arrêta en me disant : « La méthode que vous suivez ne vous a pas été donnée par le professeur. Où l’avez-vous prise ? — Dans un de vos Mémoires. — Pourquoi l’avez-vous choisie ? Était-ce pour me séduire ? — Non, rien n’a été plus loin de ma pensée. Je ne l’ai adoptée que parce qu’elle m’a paru préférable. — Si vous ne parvenez pas à m’expliquer les raisons de votre préférence, je vous déclare que vous serez mal noté, du moins pour le caractère. »

J’entrai alors dans des développements établissant, selon moi, que la méthode des intégrales doubles était, en tous points, plus claire et plus rationnelle que celle dont Lacroix nous avait donné l’exposé à l’amphithéâtre. Dès ce moment, Legendre me parut satisfait et se radoucit.

Ensuite, il me demanda de déterminer le centre de gravité d’un secteur sphérique. « La question est facile, lui dis-je. Eh bien, puisque vous la trouvez facile, je vais la compliquer : au lieu de supposer la densité constante, j’admettrai qu’elle varie du centre à la surface, suivant une fonction déterminée. » Je me tirai de ce calcul assez heureusement ; dès ce moment, j’avais entièrement conquis la bienveillance de l’examinateur. Il m’adressa, en effet, quand je me retirai, ces paroles, qui, dans sa bouche, parurent à mes camarades d’un augure très-favorable pour mon rang de promotion. « Je vois que vous avez bien employé votre temps ; continuez de même la seconde année, et nous nous quitterons très-bons amis. »