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Legendre, dont j’eus l’honneur, peu d’années après, de devenir le confrère et l’ami.

J’entrai dans son cabinet au moment où M. T…, qui devait subir l’examen avant moi, était emporté, complétement évanoui, dans les bras de deux garçons de salle. Je croyais que cette circonstance aurait ému et adouci M. Legendre ; mais il n’en fut rien. « Comment vous appelez-vous ? me dit-il brusquement. — Arago, répondis-je. — Vous n’êtes donc pas Français ? — Si je n’étais pas Français, je ne serais pas devant vous, car je n’ai pas appris qu’on ait été jamais reçu à l’École sans avoir fait preuve de nationalité. — Je maintiens, moi, qu’on n’est pas Français quand on s’appelle Arago. — Je soutiens, de mon côté, que je suis Français, et très-bon Français, quelque étrange que mon nom puisse vous paraître. — C’est bien ; ne discutons pas sur ce point davantage, et passez au tableau. »

Je m’étais à peine armé de la craie, que M. Legendre, revenant au premier objet de ses préoccupations, me dit : « Vous êtes né dans les départements récemment réunis à la France ? — Non, Monsieur ; je suis né dans le département des Pyrénées-Orientales, au pied des Pyrénées. — Eh, que ne me disiez-vous cela tout de suite ; tout s’explique maintenant. Vous êtes d’origine espagnole, n’est-ce pas ? — C’est présumable ; mais, dans mon humble famille, on ne conserve pas de pièces authentiques qui aient pu me permettre de remonter à l’état civil de mes ancêtres : chacun y est fils de ses œuvres. Je vous déclare de nouveau que je suis Français, et cela doit vous suffire. »

La vivacité de cette dernière réponse n’avait pas dis-