Les machines ont soulevé un genre particulier d’objections que je ne dois pas passer sous silence. Au moment de leur introduction, au moment où elles commencent à remplacer le travail manuel, certaines classes d’ouvriers souffrent de ce changement. Leur honorable, leur laborieuse industrie se trouve anéantie presque tout à coup. Ceux-là même qui, dans l’ancienne méthode, étaient les plus habiles, manquant quelquefois des qualités que le nouveau procédé exige, restent sans ouvrage. Il est rare qu’ils parviennent tout de suite à se rattacher d’autres genres de travaux.
Ces réflexions sont justes et vraies. J’ajouterai que les tristes conséquences qu’elles signalent doivent se reproduire fréquemment ; qu’il suffit de quelques caprices de la mode pour engendrer de profondes misères. Si je ne conclus pas de là que le monde doive rester stationnaire, à Dieu ne plaise qu’en voulant le progrès dans l’intérêt général de la société, je prétende qu’elle puisse rester sourde aux souffrances individuelles dont ce progrès est momentanément la cause ! L’autorité, toujours aux aguets des nouvelles inventions, manque rarement de les atteindre par des mesures fiscales ; serait-ce trop exiger d’elle, si l’on demandait que les premières contributions levées sur le génie servissent à ouvrir des ateliers spéciaux, où les ouvriers brusquement dépossédés trouveraient, pendant quelque temps, un emploi en harmonie avec leurs forces et leur intelligence ! Cette marche a quelquefois été suivie avec succès ; il resterait donc à la généraliser. L’humanité fait un devoir de la suivre, une saine politique la conseille ; au besoin, des événements terribles dont