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encore que l’imprimerie. Lorsqu’un ingénieux barbier de Preston, Arkwright, lequel, par parenthèse, a laissé à ses enfants deux à trois millions de francs de revenu, rendit utile et profitable la substitution des cylindres tournants aux doigts des fileuses, le produit annuel de la manufacture de coton en Angleterre ne s’élevait qu’à cinquante millions de francs ; maintenant ce produit dépasse neuf cents millions. Dans le seul comté de Lancastre, on livre tous les ans, aux manufactures de calicot, une quantité de fil que vingt et un millions de fileuses habiles ne pourraient pas fabriquer avec le seul secours de la quenouille et du fuseau. Aussi, quoique dans l’art du filateur les moyens mécaniques aient été pour ainsi dire poussés à leur dernier degré de perfectionnement, un million et demi d’ouvriers trouvent aujourd’hui de l’emploi, là où, avant les inventions d’Arkwright et de Watt, on en comptait seulement cinquante mille[1].

Certain philosophe s’est écrié, dans un profond accès de découragement : « Il ne se publie aujourd’hui rien de neuf, à moins qu’on n’appelle ainsi ce qui a été oublié. » S’il entendait seulement parler d’erreurs et de préjugés, le philosophe disait vrai. Les siècles ont été tellement féconds en ce genre qu’ils ne peuvent plus guère laisser à personne les avantages de la priorité. Par exemple, les

  1. M. Edward Baines, auteur d’une histoire très-estimée des manufactures de cotons britanniques, a eu la bizarre curiosité de chercher quelle longueur de fil est annuellement employée dans la fabrication des étoffes de coton. Cette longueur totale, il la trouve égale à cinquante et une fois la distance du soleil à la terre ! (cinquante et une fois trente-neuf millions de lieues de poste, ou environ deux mille millions de ces mêmes lieues).