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deux cents, on ne manqua pas, dès cette époque, de qualifier d’infernale une invention qui, dans une certaine classe de la société, devait réduire à l’inaction neuf cent quatre-vingt-quinze personnes sur mille. Plaçons le résultat réel à côté de la sinistre prédiction.

Les livres manuscrits étaient très-peu demandés ; les livres imprimés, au contraire, à cause de leur bas prix, furent recherchés avec le plus vif empressement. On se vit obligé de reproduire sans cesse les écrivains de la Grèce et de Rome. De nouvelles idées, de nouvelles opinions firent surgir une multitude d’ouvrages, les uns d’un intérêt éternel, les autres inspirés par des circonstances passagères. On a calculé, enfin, qu’à Londres, avant l’invention de l’imprimerie, le commerce des livres n’occupait que deux cents personnes ; aujourd’hui, c’est par des vingtaines de milliers qu’on les compte.

Et que serait-ce encore si, laissant de côté le point de vue restreint et pour ainsi dire matériel qu’il m’a fallu choisir, nous étudiions l’imprimerie par ses faces morales et intellectuelles ; si nous examinions l’influence qu’elle a exercée sur les mœurs publiques, sur la diffusion des lumières, sur les progrès de la raison humaine ; si nous opérions le dénombrement de tant de livres dont on lui est redevable, que les copistes auraient certainement dédaignés, et dans lesquels le génie va journellement puiser les éléments de ses conceptions fécondes ! Mais je me rappelle qu’il ne doit être question, dans ce moment, que du nombre d’ouvriers employés par chaque industrie.

Celle du coton offre des résultats plus démonstratifs