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J’entends déjà nos adversaires se récrier sur l’extrême simplicité des instruments que je cite, leur refuser hardiment le nom de machines, ne vouloir les qualifier que d’outils, et se retrancher obstinément derrière cette distinction.

Je pourrais répondre qu’une semblable distinction est puérile ; qu’il serait impossible de dire avec précision où l’outil finit, où la machine commence ; mais il vaut mieux remarquer que, dans les plaidoyers contre les machines, il n’a jamais été parlé de leur plus ou moins grande complication. Si on les repousse, c’est parce qu’avec leur concours un ouvrier fait le travail de plusieurs ouvriers ; or, oserait-on soutenir qu’un couteau, qu’une vrille, qu’une lime, qu’une scie, ne donnent pas une merveilleuse facilité d’action à la main qui les emploie ; que cette main, ainsi fortifiée, ne puisse faire le travail d’un grand nombre de mains armées seulement de leurs ongles ?

Ils ne s’arrêtaient pas devant la sophistique distinction d’outils et de machines, les ouvriers qui, séduits par les détestables théories de quelques-uns de leurs prétendus amis, parcouraient en 1830 certains comtés de l’Angleterre en vociférant le cri de mort aux machines ! Logiciens rigoureux, ils brisaient dans les fermes la faucille destinée à moissonner, le fléau qui sert à battre le blé, le crible à l’aide duquel on vanne le grain. La faucile, le fléau et le crible ne sont-ils pas, en effet, des moyens de travail abrégés ? La bêche, la pioche, la charrue, le semoir, ne pouvaient trouver grâce devant cette horde aveuglée, et si quelque chose m’étonne, c’est que, dans sa fureur, elle ait épargné les chevaux, espèces de machines