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culs de déblais, de remblais, à des toisés de maçonnerie. Bornons-nous à remarquer tout ce que la philosophie de Watt supposait de sérénité de caractère, de modération de désirs, de véritable modestie. Tant d’indifférence, quelque nobles qu’en aient été les causes, avait son côté blâmable. Ce n’est pas sans motif que la société poursuit d’une réprobation sévère, ceux de ses membres qui dérobent à la circulation l’or entassé dans leurs coffres-forts ; serait-on moins coupable en privant sa patrie, ses concitoyens, son siècle, des trésors mille fois plus précieux qu’enfante la pensée ; en gardant pour soi seul des créations immortelles, source des plus nobles, des plus pures jouissances de l’esprit ; en ne dotant pas les travailleurs de combinaisons mécaniques qui multiplieraient à l’infini les produits de l’industrie ; qui affaibliraient, au profit de la civilisation, de l’humanité, l’effet de l’inégalité des conditions ; qui permettraient un jour de parcourir les plus rudes ateliers, sans y trouver nulle part le déchirant spectacle de pères de famille, de malheureux enfants des deux sexes assimilés à des brutes, et marchant à pas précipités vers la tombe ?

Dans les premiers mois de 1774, après avoir vaincu l’indifférence de Watt, on le mit en relation avec M. Boulton, de Soho, près de Birmingham, homme d’entreprise, d’activité, de talents variés[1]. Les deux amis demandè-

  1. Dans les notes dont il accompagna la dernière édition de l’essai du professeur Robison sur la machine à vapeur, Watt s’exprimait en ces termes au sujet de M. Boulton :

    « L’amitié qu’il me portait n’a fini qu’avec sa vie. Celle que je lui avais vouée, m’impose le devoir de profiter de cette occasion, la dernière, probablement, qui s’offrira à moi, de dire combien je