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tant insisté, je l’avoue, sur ces légers linéaments de la science antique au sujet de la force de la vapeur d’eau, qu’afin de vivre en paix, s’il est possible, avec les Dacier des deux sexes, avec les Dutens de notre époque[1]

Les forces naturelles ou artificielles, avant de devenir vraiment utiles aux hommes, ont presque toujours été exploitées au profit de la superstition. La vapeur d’eau ne sera pas une exception à cette règle générale.

Les chroniques nous avaient appris que sur les bords du Weser, le dieu des anciens Teutons leur marquait quelquefois son mécontentement, par une sorte de coup de tonnerre auquel succédait, immédiatement après, un nuage qui remplissait l’enceinte sacrée. L’image du dieu Bustérich, trouvée, dit-on, dans les fouilles, montre clairement la manière dont s’opérait le prétendu prodige.

Le dieu était en métal. La tête creuse renfermait une amphore d’eau. Des tampons de bois fermaient la bouche et un autre trou situé au-dessus du front. Des charbons, adroitement placés dans la cavité du crâne, échauffaient

  1. Par le même motif, je ne puis guère me dispenser de rapporter ici une anecdote qui, à travers ce qu’elle offre de romanesque et de contraire à ce que nous savons aujourd’hui sur le mode d’action de la vapeur d’eau, laisse voir la haute idée que les anciens se formaient de la puissance de cet agent mécanique. On raconte qu’Anthémius, l’architecte de Justinien, avait une habitation contiguë à celle de Zénon, et que pour faire pièce à cet orateur, son ennemi déclaré, il plaça dans le rez-de-chaussée de sa propre maison plusieurs chaudrons remplis d’eau ; que de l’ouverture pratiquée sur le couvercle de chacun de ces chaudrons, partait un tube flexible qui allait s’appliquer dans le mur mitoyen, sous les poutres qui soutenaient les plafonds de la maison de Zénon ; enfin, que ces plafonds dansaient comme s’il y avait eu de violents tremblements de terre, dès que le feu était allumé sous les chaudrons.