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allaient discuter les questions les plus délicates d’art, de science, de littérature. Je n’oserais pas, en vérité, vous dire quel était, au milieu de ces réunions savantes, le rôle du jeune ouvrier de vingt et un ans, si je ne pouvais m’appuyer sur une pièce inédite du plus illustre des rédacteurs de l’Encyclopédie britannique.

« Quoique élève encore, j’avais, dit Robison, la vanité de me croire assez avancé dans mes études favorites de mécanique et de physique, lorsqu’on me présenta à Watt ; aussi, je l’avoue, je ne fus pas médiocrement mortifié en voyant à quel point le jeune ouvrier m’était supérieur… Dès que, dans l’Université, une difficulté nous arrêtait, et quelle qu’en fût la nature, nous courions chez notre artiste. Une fois provoqué, chaque sujet devenait pour lui un texte d’études sérieuses et de découvertes. Jamais il ne lâchait prise qu’après avoir entièrement éclairci la question proposée, soit qu’il la réduisit à rien, soit qu’il en tirât quelque résultat net et substantiel… Un jour, la solution désirée sembla nécessiter la lecture de l’ouvrage de Leupold sur les machines : Watt apprit aussitôt l’allemand. Dans une autre circonstance, et pour un motif semblable, il se rendit maître de la langue italienne… La simplicité naïve du jeune ingénieur lui conciliait sur-le-champ la bienveillance de tous ceux qui l’accostaient. Quoique j’aie assez vécu dans le monde, je suis obligé de déclarer qu’il me serait impossible de citer un second exemple d’un attachement aussi sincère et aussi général accordé à quelque personne d’une supériorité incontestée. Il est vrai que cette supériorité était voilée par la plus aimable