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— Un devoir, dites-vous ? et ne voyez-vous pas qu’en Dauphiné personne n’est de votre avis ? N’allez pas, au reste, vous imaginer que votre plan de campagne m’effrayât beaucoup. Je souffrais seulement de voir parmi mes adversaires un Égyptien, un homme qui avait mangé avec moi le pain du bivouac, un ancien ami ! »

Il m’est pénible d’ajouter qu’à ces paroles bienveillantes succédèrent celles-ci : « Comment, au surplus, avez-vous pu oublier, monsieur Fourier, que je vous ai fait ce que vous êtes ? »

Vous regretterez avec moi, Messieurs, qu’une timidité, que les circonstances expliquaient d’ailleurs si bien, ait empêché notre confrère de protester sur-le-champ, de protester avec force, contre cette confusion que les puissants de la terre veulent sans cesse établir entre les biens périssables dont ils sont les dispensateurs, et les nobles fruits de la pensée. Fourier était préfet et baron de par l’Empereur ; il était une des gloires de la France de par son propre génie !

Le 9 mars, dans un moment de colère, Napoléon, par un décret daté de Grenoble, ordonnait à Fourier d’évacuer le territoire de la 7e division militaire, dans le délai de cinq jours, sous peine d’être arrêté et traité comme ennemi de la nation ! Le lendemain notre confrère sortit de la conférence de Bourgoin avec la charge de préfet du Rhône et avec le titre de comte, car l’Empereur en était encore là à son retour de l’île d’Elbe.

Ces témoignages inespérés de faveur et de confiance étaient peu agréables à notre confrère, mais il n’osa pas les refuser, quoiqu’il aperçût bien distinctement l’immense