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caractères. Aussi, l’Académie des sciences a-t-elle figuré dans l’arène dévorante où, durant quarante années, le fait et le droit se sont tour à tour arraché le pouvoir par un glorieux contingent de combattants et de victimes !

Reportez, par exemple, vos souvenirs vers l’immortelle Assemblée nationale. Vous trouverez à sa tête un modeste académicien, modèle de toutes les vertus privées, l’infortuné Bailly, qui, dans les phases diverses de sa vie politique, sut concilier l’amour passionné de la patrie avec une modération que ses plus cruels ennemis eux-mêmes ont été forcés d’admirer.

Lorsque, plus tard, l’Europe conjurée lance contre la France un million de soldats ; lorsqu’il faut improviser quatorze armées, c’est l’ingénieux auteur de l’Essai sur les machines et de la Géométrie de position, qui dirige cette opération gigantesque. C’est encore Carnot, notre honorable confrère, qui préside à l’incomparable campagne de dix-sept mois, durant laquelle des Français, novices au métier des armes, gagnent huit batailles rangées, sortent victorieux de cent quarante combats, occupent cent seize places fortes, deux cent trente forts ou redoutes, enrichissent nos arsenaux de quatre mille canons, de soixante-dix mille fusils, font cent mille prisonniers, et pavoisent le dôme des Invalides de quatrevingt-dix drapeaux. Pendant le même temps, les Chaptal, les Fourcroy, les Monge, les Berthollet, concouraient aussi à la défense de la nationalité française, les uns en arrachant à notre sol, par des prodiges d’industrie, jusqu’aux derniers atomes de salpêtre qu’il pouvait contenir ; les autres, en transformant, à l’aide de méthodes