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pèchent par une certaine obscurité. Toutefois, l’oubli dans lequel ils ont été longtemps laissés n’a pu dépendre uniquement de cette cause.

Les sciences exactes ont sur les ouvrages d’art ou d’imagination un avantage qui a été souvent signalé. Les vérités dont elles se composent traversent les siècles, sans avoir rien à souffrir ni des caprices de la mode, ni des dépravations du goût. Mais aussi, dès qu’on s’élève dans certaines régions, sur combien de juges est-il permis de compter ? Lorsque Richelieu déchaîna contre le grand Corneille une tourbe de ces hommes que le mérite d’autrui rend furieux, les Parisiens sifflèrent à outrance les séides du cardinal despote et applaudirent le poëte. Ce dédommagement est refusé au géomètre, à l’astronome, au physicien, qui cultivent les sommités de la science. Leurs appréciateurs compétents, dans toute l’étendue de l’Europe, ne s’élèvent jamais au nombre de huit à dix. Supposez-les injustes, indifférents, voire jaloux, car j’imagine que cela s’est vu, et le public, réduit à croire sur parole, ignorera que d’Alembert ait rattaché le grand phénomène de la précession des équinoxes au principe de la pesanteur universelle ; que Lagrange soit parvenu à assigner la cause physique de la libration de la lune ; que depuis les recherches de Laplace, l’accélération du mouvement de cet astre se trouve liée à un changement particulier dans la forme de l’orbite de la terre, etc., etc. Les journaux de sciences, quand ils sont rédigés par des hommes d’un mérite reconnu, acquièrent ainsi, sur certaines matières, une influence qui souvent devient funeste. C’est ainsi, je pense, qu’on