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L’alphabet de Champollion, une fois modelé sur la pierre de Rosette et sur deux ou trois autres monuments, sert à lire des inscriptions entièrement différentes ; par exemple le nom de Cléopâtre, sur l’obélisque de Philœ, transporté depuis longtemps en Angleterre, et où le docteur Young, armé de son alphabet, n’avait rien aperçu. Sur les temples de Karnac, Champollion lira deux fois le nom d’Alexandre ; sur le zodiaque de Denderah, un titre impérial romain ; sur le grand édifice au-dessus duquel le zodiaque était placé, les noms et surnoms des empereurs Auguste, Tibère, Claude, Néron, Domitien, etc. Ainsi, pour le dire en passant, se trouvera tranchée, d’une part, la vive discussion que l’âge de ces monuments avait fait naître ; ainsi, de l’autre, sera constaté sans retour, que, sous la domination romaine, les

    un Aigle, par un Âne, par une Anémone, par un Artichaut, etc.

    Le B se figurerait par une Balance, par une Baleine, par un Bateau, par un Blaireau, etc.

    Au C, on substituerait une Cabane, un Cheval, un Chat, un Cèdre, etc.

    À l’E, un Éléphant, un Épagneul, un Éolipyle, une Épée, etc.

    Abbé s’écrirait donc, à l’aide des hiéroglyphes français, en mettant les unes à la suite des autres, les figures :

    D’un Agneau, d’une Balance, d’une Baleine et d’un Éléphant ;

    Ou bien, celles d’un Aigle, d’un Bateau, d’une Épée, etc., etc.

    Ce genre d’écriture a quelque analogie, comme on le voit, avec les rébus dont les confiseurs enveloppent aujourd’hui leurs bonbons. Voilà où en étaient ces prêtres égyptiens que l’antiquité nous a tant vantés, mais qui, on doit le dire, ne nous ont à peu près rien appris.

    M. Champollion appelle homophones tous les signes qui, représentant un même son ou une même articulation, pouvaient se substituer indistinctement les uns aux autres. Dans l’état actuel de l’alphabet égyptien, je vois six ou sept signes homophones pour l’A, et plus d’une douzaine pour l’S ou plutôt pour le sigma grec.