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tionne un instrument susceptible d’être employé par les personnes les moins intelligentes, les moins habituées à des expériences délicates, et, armé de ce nouveau moyen d’investigation, il s’assure que tous les hommes chez lesquels manque le cristallin à la suite de l’opération de la cataracte, ne jouissent plus de la faculté de voir nettement à différentes distances.

On peut véritablement s’étonner que cette admirable théorie de la vision, que ce réseau, si bien tissu, où le raisonnement et les plus ingénieuses expériences se prêtent sans cesse un mutuel appui, n’occupe pas encore dans la science le rang distingué qui lui appartient ; mais, pour expliquer cette anomalie, doit-on nécessairement recourir à une sorte de fatalité ? Young aurait-il donc été, comme lui-même le disait souvent avec dépit, une nouvelle Cassandre proclamant sans relâche d’importantes vérités que ses contemporains ingrats refusaient d’accueillir ? On serait moins poétique, et plus vrai ce me semble, en remarquant que les découvertes d’Young n’ont pas été connues de la plupart de ceux qui auraient pu les apprécier : les physiologistes ne lisent pas son beau mémoire, car il suppose plus de connaissances mathématiques qu’on n’en cultive ordinairement dans les facultés ; les physiciens l’ont dédaigné à leur tour, parce que, dans les cours oraux ou dans les ouvrages imprimés, le public ne demande plus guère aujourd’hui que ces notions superficielles dont un esprit vulgaire se pénètre sans aucune fatigue. Dans tout ceci, quoi qu’en ait pu croire notre illustre confrère, nous n’apercevons rien d’exceptionnel : comme tous ceux qui sondent les der-