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pendant de longues révolutions les assemblées populaires les plus animées, sans émettre un avis, sans proférer un seul mot.

On a dit que le bonheur, comme les corps matériels, se compose d’éléments insensibles. Si cette pensée de Franklin est juste, Volta fut heureux. Livré tout entier, malgré d’éminentes dignités politiques, aux travaux de cabinet, rien ne troubla sa tranquillité. Sous la loi de Solon on l’aurait même banni, car aucun des partis qui, pendant près d’un quart de siècle, agitèrent la Lombardie, ne put se vanter de le compter dans ses rangs. Le nom de l’illustre professeur ne reparaissait après la tempête, que comme une parure pour les autorités du jour. Dans l’intimité même, Volta avait la plus vive répugnance pour toute conversation relative aux affaires publiques ; il ne se faisait aucun scrupule d’y couper court dès qu’il en trouvait l’occasion par un de ces jeux de mots qu’en Italie on appelle freddure, et en France calembour. Il faut croire qu’à cet égard une longue habitude ne rend pas infaillible, car plusieurs des freddure du grand physicien, qu’on n’a pas dédaigné de citer, sont loin d’être aussi irréprochables que ses expériences.

Volta s’était marié en 1794, à l’âge de quarante-neuf ans, avec mademoiselle Thérèse Peregrini. Il en a eu trois fils : deux lui ont survécu ; l’autre mourut à dix-huit ans, au moment où il faisait concevoir les plus brillantes espérances. Ce malheur est, je crois, le seul que notre philosophe ait éprouvé pendant sa longue carrière. Ses découvertes étaient sans doute trop brillantes pour n’avoir pas éveillé l’envie ; mais elle n’osa pas les attaquer,