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de géométrie. Plusieurs la résolurent ; mais la solution de Fresnel fixa particulièrement l’attention de notre confrère, car les hommes supérieurs jouissent de l’heureux privilége de découvrir, même sur de légers indices, les talents qui doivent jeter un grand éclat. M. Legendre, son nom m’échappe, complimenta publiquement le jeune lauréat. Des témoignages d’encouragement partant de si haut mirent Fresnel, peut-être pour la première fois, dans le secret de son propre mérite, et vainquirent une défiance outrée qui, chez lui, produisait les plus fâcheux résultats, puisqu’elle l’empêchait de tenter des routes nouvelles.

En sortant de l’École polytechnique, Fresnel passa dans celle des ponts et chaussées. Lorsqu’il eut obtenu le titre d’ingénieur ordinaire, il fut envoyé dans le département de la Vendée, où le gouvernement cherchait à effacer les traces de nos déplorables discordes civiles, relevait tout ce que la guerre avait renversé, ouvrait des communications destinées à vivifier le pays, et posait les fondements d’une ville nouvelle. Tout élève, quelque carrière qu’il veuille embrasser, attend avec la plus vive impatience l’instant où il pourra déposer ce titre. Pour lui, en vingt-quatre heures, le monde alors change complétement d’aspect : il recevait des leçons, il va créer. Son avenir semble d’ailleurs lui promettre tout ce qu’un siècle a offert d’événements brillants à quelques rares individus favorisés du sort.

Peu d’ingénieurs, par exemple, reçoivent leurs diplômes sans se croire, dès ce moment, appelés soit (nouveaux Ricquet) à joindre l’Océan à la Méditerranée par un grand