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mières places qu’il a obtenues au collège, en thème ou en version, n’auraient jamais imaginé qu’Augustin Fresnel deviendrait un des savants les plus distingués de notre époque. Quant à ses jeunes camarades, ils l’avaient au contraire jugé avec cette sagacité qui les trompe rarement : ils l’appelaient l’homme de génie. Ce titre pompeux lui fut unanimement décerné à l’occasion de recherches expérimentales (on me passera cette expression, elle n’est que juste) auxquelles il se livra à l’âge de neuf ans, soit pour fixer les rapports de longueur et de calibre qui donnent la plus forte portée aux petites canonnières de sureau dont les enfants se servent dans leurs jeux, soit pour déterminer quels sont les bois verts ou secs qu’il convient d’employer dans la fabrication des arcs, sous le double rapport de l’élasticité et de la durée. Le physicien de neuf ans avait exécuté en effet ce petit travail avec tant de succès, que des hochets, jusque là fort inoffensifs, étaient devenus des armes dangereuses, qu’il eut l’honneur de voir proscrire par une délibération expresse des parents assemblés de tous les combattants.

En 1801, Fresnel, âgé de treize ans, quitta le foyer paternel, et se rendit à Caen avec son frère aîné. L’école centrale de cette ville, où l’instruction a toujours été en honneur, présentait alors une réunion de professeurs du plus rare mérite. Les excellentes leçons de mathématiques de M. Quenot, le cours de grammaire générale et de logique de l’abbé de la Rivière, contribuèrent éminemment à développer chez le jeune élève cette sagacité, cette rectitude d’esprit, qui plus tard l’ont guidé avec tant de bonheur dans le dédale en apparence inextricable des