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mais je saisis la première occasion de déclarer publiquement que je n’avais ni la prétention ni le désir d’obtenir un seul suffrage ; qu’au surplus je cumulais autant d’emplois que j’en pouvais remplir, qu’à cet égard M. Biot était dans la même position ; en telle sorte que je faisais des vœux pour la nomination de M. Fourier.

On a prétendu, mais je n’ose me flatter que le fait soit exact, que ma déclaration exerça une certaine influence sur le résultat du scrutin. Ce résultat fut le suivant : M. Fourier réunit 38 voix et M. Biot 10. Dans une circonstance de cette nature, chacun cache soigneusement son vote afin de ne pas courir la chance d’un futur désaccord avec celui qui sera investi de l’autorité que l’Académie accorde au secrétaire perpétuel. Je ne sais si on me pardonnera de raconter un incident dont l’Académie s’égaya beaucoup dans le temps.

M. de Laplace, au moment de voter, prit deux billets blancs ; son voisin eut la coupable indiscrétion de regarder et vit distinctement que l’illustre géomètre écrivait le nom de Fourier sur les deux. Après les avoir ployés tranquillement, M. de Laplace mit les billets dans son chapeau, le remua, et dit à ce même voisin curieux : « Vous voyez, j’ai fait deux billets ; je vais en déchirer un, je mettrai l’autre dans l’urne, j’ignorerai ainsi même pour lequel des deux candidats j’aurai voté. »

Les choses se passèrent comme l’avait annoncé le célèbre académicien ; seulement tout le monde sut avec certitude que son suffrage avait été pour Fourier, et le calcul des probabilités ne fut nullement nécessaire pour arriver à ce résultat.