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— Qu’à cela ne tienne ! Je vais vous donner une décharge. »

Elle fut immédiatement rédigée en ces termes :

« Nous, soussignés, certifions que le caïd de Bougie a voulu nous détourner de nous rendre à Alger par terre ; qu’il nous a assuré que nous serions massacrés en route ; que, malgré ses représentations vingt fois renouvelées, nous avons persisté dans notre projet. Nous prions les autorités algériennes, particulièrement notre consul de ne pas le rendre responsable de cet événement, s’il arrive. Nous le répétons de nouveau, c’est contre son gré que le voyage a été entrepris.

« Signé : Arago et Berthemie. »

Cette déclaration remise au caïd, nous croyions être quittes envers ce fonctionnaire ; mais il s’approcha de moi, défit, sans mot dire, le nœud de ma cravate, la détacha et la mit dans sa poche. Tout cela se fit si vite, que je n’eus pas le temps, je dirai même que je n’eus pas l’envie de réclamer.

Au sortir de cette audience, terminée d’une manière si singulière, nous fîmes marché avec un marabout qui nous promit de nous conduire à Alger pour la somme de vingt piastres fortes et un manteau rouge. La journée fut employée à nous déguiser tant bien que mal, et nous partîmes le lendemain matin, accompagnés de plusieurs matelots maures appartenant à l’équipage du bâtiment, et après avoir montré au marabout que nous n’avions pas un sou vaillant ; en sorte que, si nous étions tués sur la route, il perdrait inévitablement tout salaire.