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fit son histoire et me voulut donner un ami. Je le vis quelquefois, c’étoit un avocat fort riche, mais je me souciois peu de son argent, il me dégoûta et je ne voulus plus le voir. Je m’accommodai mieux d’un jeune étudiant en médecine que j’avois vu quelquefois à la promenade et chez lui, dans une maison près de la nôtre. Celui-ci avec sa jeunesse ne laissoit pas de faire bien les choses, aussi je lui accordois tout ce qu’il vouloit. Il crut que nous serions mieux dans sa chambre, et j’y allois tous les soirs coucher avec lui. Cependant l’avocat se plaignit à ma cousine : et comme ils étoient bons amis, ils convinrent ensemble de se venger de moi. Pour cela ils m’observèrent, et un soir que je m’en allai avec mon jeune médecin, une troupe de gens armés fondirent sur nous et m’enlevèrent ; on me porta dans une chambre d’un ami de l’avocat, dans un quartier fort éloigné du nôtre. Parmi tous mes ravisseurs, je vis le maudit avocat et je lui aurois arraché les yeux si j’avois pu ; il m’abandonna à la discrétion de vingt-cinq gros pendards qui me passèrent tous sur le ventre sans aucune compassion ; jamais je ne fus si fatiguée. Après qu’ils s’en furent allés, il entra dans la chambre l’ami de l’avocat, qui s’appelait M. Spinola. Dès qu’il me vit, il parut assez satisfait de ma beauté. Je pleurais devant lui à grosses larmes, et je me plaignis du cruel traitement qu’on m’avoit fait. Il s’approcha pour me consoler, et me dit pour cela cent choses agréables. Il avoit bonne mine et tout ce que je voyois en lui sentoit son homme de qualité. Il me demanda ce que j’avais tant fait à