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n’est pas encore défendu d’avoir une tante, que je sache ? Femme, d’ailleurs, des plus respectables… veuve depuis vingt ans et vingt ans de sagesse… elle habite une petite ville de province, ou plutôt un village, très loin, passé Fontainebleau… Je serai ravie de la voir, de la recevoir… Une chose seulement me taquine, c’est qu’elle me croit toujours dans les modes. »

Il faut supposer que le jeune télégraphiste chargé de la dépêche avait rencontré en route un patronet porteur de vol-au-vent, et que, suivant l’immuable coutume des deux corporations, ils s’étaient attardés quelques heures à faire sur le trottoir leur partie de billes, car, presque aussitôt, le timbre sonna, et, par la portière soulevée, une tête de soubrette apparut annonçant :

— « La tante à madame. »

Pauvre Manon !

Tandis qu’un peu surprise, un peu troublée, elle murmurait : « Chère tante !… » et tâchait de se donner des façons sérieuses contre lesquelles protestaient, hélas ! les bracelets de ses bras nus et son transparent déshabillé de dentelles, la tante, la tante à Madame, ayant circulairement promené sur les tentures, les bibelots et les meubles un de ces coups d’œil méprisants et longs, à cils mi-fermés, qui font qu’on a l’air de regarder avec des pincettes, prononça