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Voilà la conversation engagée. Tout émue, fort intéressée, Angéline se fait expliquer le pourquoi des choses. Elle admire le plafond à jours, le pavé de marbre, les proportions vraiment consulaires de la chaise curule en onyx. Mais les cyprins surtout l’étonnent. — Quelle drôle d’idée avait eu ce Gaëtan ? Dans quel dessein avait-il rassemblé là tant de poissons ?

— « Eh ! quoi vous ne savez donc pas ? Mais c’est une mode nouvelle, une méthode originale que Gaëtan a rapportée de chez les Turcs. »

Je n’oserais pas te répéter, et d’ailleurs tu le devineras tout à l’heure, mon cher Silvestre, pour quel usage facétieux, s’inspirant d’un chapitre célèbre de Rabelais, Émile, sans pitié pour l’âme ingénue d’Angéline, Émile, mystificateur comme le sont les peintres, désigna tous ces cyprins d’Inde et de Chine, lesquels, innocemment, sans se douter du destin tragique qui les menaçait, continuaient à évoluer aux lueurs du gaz dans l’eau transparente.

On était toujours dans le salon et le poète récitait toujours ses vers au milieu d’une inattention sympathique. Le peintre Émile, rentré sans bruit, avait repris place sur le divan. Chant cinquième ! annonçait le poète implacable.

Soudain la porte s’ouvre, Angéline entre en coup de vent, les yeux plus grands, les cheveux plus fous que jamais ; et secouant sur l’audi-