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souliers, invisibles qu’ils étaient sous une épaisse couche de boue ramassée au saut des ruisseaux dans les courses à travers Paris.

Très gentil quand même, le petit clerc ! qui avait de longs cheveux blonds, mal peignés, mais n’en frisant que mieux à cause de cela, une bouche dont les dents riaient, et des yeux d’avance étonnés par les promesses de la vie.

Il faut cependant que je vous dise où et comment je le rencontrai, ce petit clerc. C’était vers 1865, la France n’était pas heureuse et, tout m’oblige à le constater, elle venait presque à bout de s’étourdir sur ses malheurs présents et futurs en s’amusant énormément.

M’amusais-je ou si l’on s’amusait de moi ? Je l’ignore. En tous cas Estève qui vous parle, Estève aujourd’hui vieux et triste, et peu fier, soit dit entre parenthèse, de ses cheveux gris mal gagnés, Estève avait dans le joyeux Paris d’alors l’attitude modeste et triomphante d’un bon garçon aimé de la plus délicieusement écervelée des belles filles qui chaque aurore, après la nuit passée à souper chez Vachette, dans le grand salon rouge du premier, regardaient par les fenêtres du fond si, malgré la parole impériale donnée, les travaux du nouvel Opéra n’étaient pas trop en retard sur ceux du nouvel Hôtel-Dieu.

Car, ceci va paraître invraisemblable, à cette époque, lointaine déjà, une ingénuité relative