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« J’entendis alors l’aînée des sirènes dire à la cadette, car il y en avait une toute mignonne et ne paraissant guère que douze ans : — Rassure-toi, petite sœur, et, quoi qu’il arrive, feins de dormir ; l’heure n’est pas loin où nous pourrons regagner la mer à la nage…

« Je compris bientôt le sens terrible de ces paroles. Tant que dura l’après-midi, l’équipage ne fit que boire et le navire ne gouvernait plus. Mais ce fut le coucher du soleil qui donna le signal de la bataille. Ivres de je ne sais quelle ivresse, des hommes la veille amis et frères se massacrèrent toute la nuit, et, du coin où je m’étais caché, toute la nuit, j’entendis le sang mêlé au vin tomber en filets dans la mer.

« Bientôt il se fit un grand silence, et les sirènes se mirent à chanter.

« Puis l’aurore apparut à l’horizon, colorant une moitié du cercle immense où se rejoignent le ciel et les vagues, et, seul vivant sur le bateau, je vis ou crus voir ainsi que dans un rêve, les femmes de mer, les Sirènes, leur corps éclaboussé d’une rouge pluie de corail, traverser d’un bond le pont du navire, et se précipiter frissonnantes d’horreur dans les profondeurs de l’eau bleue… »

— Or, ajoutait la note du naïf commentateur dont je me rappelle textuellement la phrase finale, ce qui prouve combien le péché fait irrésistible aux humains l’attrait de ces étranges et