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« Les vieux matelots parlaient de les manger, montrant leurs cuisses de poissons recouvertes de fines écailles. Mais les jeunes ne voulaient pas et faisaient remarquer que pour le reste elles étaient en tout semblables à des femmes. Alors le capitaine ordonna de monter sur le pont une grande cuve que vous avez vue et qui provenait du pillage d’un temple chez les Indiens païens, puis, l’ayant remplie d’eau, on mit les sirènes dedans.

« Les sirènes ne parlaient ni ne se plaignaient. Elles nageaient languissamment, s’appuyant parfois contre le bord pour caresser du revers de la main les meurtrissures dont les nœuds du filet avaient marqué leurs bras et leurs bustes ; et elles étaient si belles ainsi, nues et cambrées sur l’eau avec ces cheveux brillants, ces yeux vert de mer et ces dents chatoyantes comme la nacre et qui semblaient perpétuellement sourire, que l’équipage, y compris ceux qui voulaient les manger d’abord, en fut bientôt tout affolé.

« Le jour les hommes s’évitaient, et chaque nuit c’étaient des querelles entre matelots qui montaient en cachette sur le pont pour parler à voix basse aux sirènes. Le capitaine, jaloux et voulant sans doute garder les femmes de mer pour lui seul, fit placer près d’elles une sentinelle. Mais on désarma la sentinelle et le capitaine fut tué.