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Elle ne saurait me comprendre, la vieille dame ! d’ailleurs, habitant trop bas, la vieille dame ne voit pas le corbeau : le toit l’en empêche ; moi, je plane par dessus les toits.

D’où vient-il ce corbeau ? Fait-il partie de la bande turbulente et braillarde qui dispute aux ramiers du Luxembourg les hauts platanes, réunis par des astragales de lierre, à l’ombre desquels, chère aux amoureux, jaillit et chante la fontaine de Médicis ? Est-il de Saint-Sulpice, dont les tours italiennes, qu’on dirait rêvées par Véronèse, encadrent de grands pans d’azur ? A-t-il son nid à Notre-Dame, parmi la forêt des clochetons, sous l’aile d’un monstre griffu ou dans le bonnet d’un juif de pierre ?

Peu importe ! Mais chaque année, depuis que j’occupe mon logis, à la même époque le même corbeau me rend visite, messager que le printemps envoie, et qui, plus sûrement que les hirondelles annonce l’approche des beaux jours.

Aussitôt que les bourgeons pointent, mon corbeau arrive. Sybarite par goût et friand de primeurs, il trouve une saveur tonique et délicieuse à ces fraîches pousses croquantes, parfumées de miel et de résine, toutes gonflées de jeune sève ; et ses longues années d’expérience lui ont sans doute appris qu’à Paris la verdure se trouve presque toujours d’une semaine ou deux en avance sur les champs. C’est un philo-