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batailles n’a pas sonné, et la rue est généralement silencieuse comme une caserne endormie.

Que se passe-t-il donc aujourd’hui ? Quelque chose d’extraordinaire à coup sûr. Est-ce un accident, est-ce un crime ? En tous cas, l’émotion paraît grande. Des têtes s’ébouriffent aux fenêtres ; on cause, on s’appelle d’un trottoir à l’autre ; déjà des peignoirs de toutes couleurs, sur lesquels, moites encore au saut du lit, les cheveux dépeignés retombent, sont groupés là-bas à l’angle où se tient la fruitière ; et de voir tant de monde courir, les deux automatiques sergents de ville, quoique médiocrement curieux de leur nature, précipitent, tout en restant dignes, le rythme régulier de leur pas.

Faisons comme eux ! Ni accident ni crime, mais simplement, au numéro 15, la fille de la concierge qui se marie. Tel est l’invraisemblable événement qui met les esprits en émoi. Comprenez-vous un mariage dans cette rue où jamais, de mémoire de femme, personne ne s’est marié. Il n’y a pas à dire pourtant : tout de blanc tendue, une voiture de noce est devant la porte ; le cocher a des fleurs à sa boutonnière, un nœud de rubans à son fouet.

Et les railleries vont leur train, les yeux s’allument d’une flamme ennemie. On croirait, à voir ces jeunes bacchantes s’irriter ainsi, les prêtresses de quelque mystérieuse religion provoquées en leur sanctuaire.