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endormie » qui, au Salon de 1876, d’un coup, dans un subit éclat de renommée, fit la gloire de son amant.

Toujours simple, bonne, ingénue, elle avait, au contact de Pierre, dans la fréquentation de ses amis, acquis une compréhension des choses de la vie et de l’art très fémininement pénétrante, mais que, par une sorte de coquetterie, elle laissait volontiers croire superficielle.

Et surtout, rien à dire pour le reste ! Car jamais épouse, aux moments durs, n’aurait su comme elle entourer l’homme aimé d’un aussi fidèle dévouement, d’une aussi attentive admiration et d’aussi réchauffantes tendresses.

Mais enfin la vie est la vie ; et l’art aussi mérite bien qu’on lui fasse quelque sacrifice.

Or, Pierre allait avoir quarante ans. Il touchait à l’heure décisive. Son rude métier de sculpteur, qui paye le génie en lauriers, n’avait pu le sortir d’une honorable demi-misère. Comptait-il le traîner longtemps, le traîner toujours, ce boulet classique des Michel-Ange sans argent : tristes bustes faits au rabais, marbres quêtés pendant des mois, commandes péniblement arrachées, et les deux bouts à peine joints.

Ne renvoyait-il pas d’un saint à l’autre, depuis cinq ans, faute de l’atelier géant qu’il aurait fallu louer, l’exécution de sa « Fontaine de Cybèle », noble conception panthéiste, ensemble