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Puis la Providence s’en mêla ; je me découvris un ancien camarade qui, dans son manoir familial fort ressemblant à une ferme, menait près d’ici l’existence de gentilhomme paysan. Il avait une nièce, jeune, assez jolie, point trop riche : mes trois mille francs de rente faisaient de moi un parti sortable. Il faut croire que nous nous aimâmes — dans le sens peu romanesque qui s’attache en province au mot aimer, — on nous maria !

Mon projet n’était pas de renoncer à Paris. Bien au contraire ! je comptais y passer les mois d’hiver chaque année. Nous avons fait ainsi deux fois. Pour la troisième, le courage nous a manqué. Ma femme se trouvait un peu souffrante, et moi-même, à l’aise dans mes gros souliers et mes vestes de velours à côtes, je ne considérais pas sans ennui la perspective des dîners en frac, des visites, des riens échangés, et des théâtres où l’on baille. Après, les enfants sont venus : il a fallu songer à leur sort, commencer des économies. Peu à peu, je me suis déshabitué de Paris qui de plus en plus m’apparaissait, chose étrange, à travers un brouillard de vagues images, comme une immense ville très lointaine dont je ne savais plus le chemin.

Maintenant me voilà complètement provincialisé. J’ai femme et enfants, tous en bon point ; j’ai de parfaits amis dont l’affectueux égoïsme