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À partir de ce jour, Lazarus, toujours fier mais visiblement endolori, ne nous parla plus que de son projet : une Léda, mais quelle Léda ! La seule, la vraie, telle qu’en aucun temps aucun peintre ne l’avait comprise.

Puis tout à coup il cessa d’en parler, et cela ne m’étonna point, car les conceptions de Lazarus s’évaporaient souvent ainsi en conversations et en ébauches.

Je finis même par croire que cette Léda définitive n’avait jamais existé autrement que dans sa cervelle tourmentée. Nous l’en plaisantions parfois, nous avions tort !

Quelques années plus tard, Lazarus mourut.

Dans son atelier, ou des abeilles bourdonnaient, traversant les vitres brisées par les pousses vertes des ronces, au milieu de l’encombrement des toiles commencées, un tableau achevé presque, et auquel la veille, évidemment, Lazarus travaillait encore, nous prit tout d’abord le regard.

Comme imprévu des lignes et magnificence des couleurs, c’était admirable. À l’ombre des roseaux frissonnants, près d’un fleuve grec aux eaux pures, le grand corps de Léda, pâmée ! tandis qu’un cygne gigantesque, emplissant l’azur de ses ailes, joyeux, superbe, triomphant, regagnait les cieux d’un vol éperdu.

— « Et Léda était belle ?