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des fleurs de neige du lys d’eau, et dont la moire se ridait au saut brusque d’une grenouille.

Puis, à l’heure du retour, Nyssia demandait la permission, toujours accordée, d’enlever son corset derrière un buisson ; et, plus brave que jamais, elle allait devant, sa robe dégrafée un peu, laissant voir le haut de la gorge et la chemisette de soie légère.

Moi, je songeais : heureux La Feuilleaume.

Oui ! La Feuilleaume était heureux, on l’aimait. Moins pour lui-même peut-être que pour toutes sortes de choses ambiantes : pour le jardin où l’on est bien la nuit quand le cricri chante et que les vers luisants rôdent dans l’herbe ; pour cette unique chambre d’où la vue est si belle, à travers le treillis des branches, sur les pentes, sur la rivière et le grand aqueduc du Grand-Roi se dressant au loin, avec une majesté toute romaine, le matin dans un ciel bleu pâle, le soir dans les brumes ensoleillées ; et aussi pour les fraîches lampées de lait frais, avec leurs lichettes de pain brun, au Butard, dans la maison du garde, pour les gibelottes délicieusement canailles mangées chez Gogu, dit le Père des Gros-Lapins, à ce qu’affirme en lettres énormes son enseigne.

Mais n’est-on pas toujours un peu aimé ainsi ? La Feuilleaume, bon philosophe, jouissait de l’heure présente sans analyser son bonheur.