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saint lui-même n’y eût pas tenu. Nos batailles, d’ailleurs, tout de suite apaisées, noyées dans les larmes, avaient des compensations délicieuses. — « Baisez, méchant !… » me disait Némorine, montrant des ronds bleus sur son bras, son gentil bras nu à peau si fine qu’un rien, disait-elle, y faisait marque et qu’au réveil, sur le gras de l’épaule, vers l’échancrure de la chemisette, un léger dessin de dentelle, imprimé en creux, se gaufrait. — « Baisez, méchant !… » Et je baisais, le cœur gros et rouge de honte.

Un soir (elle revenait précisément de chez la grand’tante des Lilas, tout heureuse avec un bouquet de coquelicots et d’herbes folles cueilli au revers des fortifications), un soir, la voyant si amoureusement jolie sous la lampe, je me fis un serment à moi-même : « Quoi qu’elle dise et quoi qu’il arrive, cette fois, je ne la battrai point ! » L’occasion pourtant se présenta belle.

Nous étions en train de dîner. On servit la salade que Némorine avait voulu assaisonner elle-même : — « Némorine, passe-moi le vinaigre. — Il n’y a donc pas assez de vinaigre ? — Némorine, je ne dis pas cela. — Alors, la salade n’est pas bonne ? — Némorine !… — Alors, je ne sais pas faire la salade ? — Némorine !!… — Alors, je ne sais rien faire ? — Némorine !!! — Alors, je suis une… ? » Là-dessus tout vole en éclats dont quelques-uns, je le confesse, m’atteignirent.