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étonner ses compatriotes et se prouver sa propre force, les trois ou quatre mille francs de rente perdus.

Rêve modeste, dira-t-on. Il n’y a pas de rêve modeste ! Le but peut différer, mais la passion qu’on met à l’atteindre est pour tous la même. Et le brave Estibalet, s’acharnant à reconquérir ses quatre mille francs, dépensait autant d’activité fiévreuse et d’âpre énergie qu’un spéculateur juif à remuer les millions.

Comme il possédait un creux superbe, Estibalet se mit d’abord en tête d’entrer à l’Opéra comme basse. Il suivit les cours, piocha son creux auquel, paraît-il, quelques mètres de profondeur manquaient encore et, la profondeur obtenue, demanda une audition à M. Halanzier. M. Halanzier, qui l’avait connu à Marseille, l'écouta mugir, applaudit, et refusa catégoriquement de l’engager : « Désolé, mon cher Anselme ! mais je ne puis pas, je n’ose pas ; cela ferait trop de peine à Boudouresque. »

Un Méridional intelligent qui n’a pas réussi à s’établir basse a toujours pour ressource