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mon ami naz.

les queues sans procédé, et les bandes, antérieures, paraît-il, à l’invention du caoutchouc, semblaient rembourrées de lisière. Quant au tapis, qui en décrirait les reprises sans nombre et les maculatures ?

Mon ami Naz, ce jour-là, gagnait tout ce qu’il voulait.

Pourquoi ne s’arrêta-t-il pas à temps ? Et d’où vient cet amer plaisir que trouve l’homme à tenter la destinée ?

Naz gagnait tout : partie, revanche et belle. Il n’avait qu’à s’en aller, il resta. Il n’avait, le dernier coup fait, qu’à poser la queue glorieusement. Il préféra, le dernier coup fait et marqué, garder la queue en main pour continuer sa série.

Et il la continua, le malheureux ! il fit un, deux, trois carambolages ; il en fit cinq, il en fit six ; il en fit huit, il en fit dix ; et les billes allaient, venaient, s’effleuraient et tourbillonnaient, puis s’entrechoquaient doucement, comme attirées par un aimant invisible ; et les carambolages roulaient, et les spectateurs applaudissaient, et la vieille Nanon elle-même, remuant des sous dans la poche de son tablier, admirait et faisait galerie.

Tout d’un coup, — c’était un effet de recul, — la queue, lancée d’une main nerveuse, glisse sur la bille et la manque ; le tapis craque, le tapis se fend triangulairement, et la queue presque tout entière s’engouffre et disparaît dans un abîme de drap vert.