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les petits pages de musique.

On se dispute leur compagnie. Devant eux, tout le long du chemin, les châteaux ouvrent leurs grilles ; au maître, des florins par poignées ; à l’élève, au gentil enfant qui se tient là timide, par derrière, un habit tout couvert de passements d’or, une toque à plumes, un poignard donnés en cadeau.

Puis ce sont les séjours dans les bonnes villes, confrères qu’on rencontre, joyeux compagnons qui vous font fête, aventures de grande route et d’auberge, duels pour un air ou pour un couplet. L’apprenti musicien prenait sa part de tout, parfois au détriment de la musique, témoin ce Pierrotin, page de d’Assoucy, qui perdit la voix à force de boire.

Il y avait aussi les jours de misère. Les portes ne s’ouvraient plus, les oreilles restaient insensibles. On traversait des saisons dures, chantant au cabaret pour le menu peuple, avec des plumets lamentables et des pourpoints du temps jadis. L’art y gagnait, car le maître, la poche vide, rentrait au logis de meilleure heure ; et la leçon du page s’en trouvait plus longue. Mais le pire de tout, c’est quand le maître disparaissait, mis en prison pour quelque méchante affaire ; c’est quand le maître venait à mourir laissant tout seul en pays étranger, son page, son pauvre petit page de musique !

J’ai lu autrefois dans une gentilhommière du Haut-Dauphiné, moitié ferme, moitié château, la lettre d’un petit musicien aban-